Irkoutsk, février 2015.
Ce matin-là̀, Yoann prend le petit-déjeuner avec sa fille de 5 ans. Son épouse Margot rentre tout juste de Paris, il descend pour l’accueillir et récupérer ses valises. À peine a-t-il regagné l’appartement que des mains l’empoignent, le soulèvent, le menottent et lui emprisonnent la tête dans un sac. Sa fille hurle, il est embarqué, aller simple et direct derrière les barreaux. Face aux questions lancées comme des lames, il est complètement anéanti. On agite sous ses yeux médusés des photos pornographiques qu’il aurait mis en ligne sur internet, dont certaines de sa propre fille. On l’insulte, on le frappe, on l’accuse de pédophilie, il ne comprend rien et c’est le début d’un voyage en enfer. De la prison à la résidence surveillée dans l’ambassade française de Moscou, en passant par l’hôpital psychiatrique et jusqu’à sa fuite, il raconte l’insoutenable et surtout le courage de vivre.
Peut-être en avez-vous entendu parler dans les médias en 2017 ? Yoann Barbereau, directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk, fut victime d’un Kompromat : une méthode de destruction implacable utilisée par les services secrets russes, consistant à fabriquer des documents compromettants pour démolir une cible choisie selon des critères qu’on ignore.
Yoann Barbereau est un rescapé de l’enfer, un survivant, un super héros du confinement ! Après avoir écouté son histoire, je refuse de me plaindre. Cet homme a une résistance inouïe, ce qu’il nomme dans son récit sa « citadelle intérieure ». Il s’en est sorti grâce à une sorte de noblesse d’âme, de profonde dignité. Mais aussi grâce aux appels bouleversants de sa petite fille échappés des souvenirs, et aux carnets vert opaline qu’il noircit chaque jour dans sa cellule.
Au fil du récit, sa colère vibre d’un ton ironique et désenchanté, mais il n’est ni hargneux ni plaintif, car il reste profondément amoureux de la Russie : il cite les plus grands auteurs, s’attarde sur la langue et les coutumes, et fait irradier de lumière et de couleurs les paysages de glace, les bâtisses et les forêts.
La beauté de ce livre, c’est enfin le pouvoir de l’écriture : l’auteur, une fois rentré en France, ne trouve plus les mots qui sont comme gelés dans la souffrance. L’écriture le libère définitivement et c’est éblouissant. Ce livre m’a donné envie de relire la comtesse de Ségur ( le général Dourakine), de découvrir Tchekov, Marina Tsvetaeva ou encore Boulgakov, et de partir glisser sur le lac Baïkal, « un lac grand comme un pays. »
Merci beaucoup à Babelio et à Audiolib de m’avoir permis de participer à une masse critique, j’ai adoré ce livre et la voix de Yoann Barbereau m’a conquise.
Editions Audiolib, 2021. Durée : 7h10
Editions Stock, février 2020.
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