« Ce matin-là (…) tu as téléphoné à ton secret debout dans le salon. »

Son secret s’appelle Clément, il a des mains de fille engourdies par les journées de travail à la banque, un nœud de cravate trop serré et un cœur comme pris dans la glace. Laure obéit à son ombre dans un quotidien de mère, d’épouse et d’universitaire : sa vie manque d’éclat, de saveur et de transgressions. Leur rencontre relance la circulation sanguine, met le feu aux joues et aux fesses, mais risque de les conduire tout droit au bûcher.

Je retiens de ce livre une analyse très fine du sentiment amoureux et des blessures d’enfance qui creusent nos vies d’adulte, mais surtout une langue énergique, audacieuse et singulière qui m’a d’abord désarçonnée puis très agréablement surprise. Certains propos sont d’une inventivité et d’une grâce absolues, d’autres m’ont beaucoup amusée : « Il parle de son membre comme d’un parent à charge qui n’en finit pas de promettre et de mourir », mais il y a un tel cynisme qu’on a tôt fait de grincer des dents. Parce qu’à travers cet amour secret, Maria Pourchet « tabasse » tous les archétypes de la société, raille le conformisme, gratte les blessures intimes et universelles, c’est réaliste, violent et d’un pessimisme redoutable. Les mots sont jetés comme des couteaux et c’est peut-être ça qui, au gré de ma lecture, m’a fait décrocher.

J’ai refermé le livre abasourdie, mitigée, bouleversée par Clément et son « Papa » chéri, inquiète pour Laure et surtout pleine d’amertume pour notre monde, mais avec le recul je peux affirmer que ce livre m’a plu. En relisant certains passages j’ai davantage apprécié l’élégance et la créativité des tournures, et cette mélancolie qui affleure par endroit, comme dans cette image automnale que j’adore :

« Dehors un certain vert, un certain vent. »

Maria Pourchet m’avait conquise avec Champion, elle m’a bousculée avec Feu et je crois que c’est ce qui fait la force d’un grand texte.

Editions Fayard, août 2021.

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