Lire Proust, je crois que c’est accepter de s’égarer en forêt : c’est à la fois effrayant et grisant. Après beaucoup d’hésitation je me suis laissée guider par une voix étrangère, un peu snobe et railleuse, puis de plus en plus claire, fascinante d’intelligence, d’humour et de poésie. Je suis revenue sur mes pas, j’ai parfois piétiné, pesté contre des subjonctifs trop savants, des détours obscurs, je me suis perdue mais j’ai continué en suivant les fleurs – innombrables et parfumées – et l’écho lointain d’un air de piano. J’ai souvent reconnu mon reflet dans un miroir tendu par des bras invisibles, parce que Proust sait mieux que personne analyser notre âme, nos travers, notre médiocrité, nos névroses et nos chagrins. J’ai beaucoup ri des peintures féroces, des femmes chipies et des hommes arrogants ; j’ai été bouleversée par un enfant qui ne s’endort pas sans le baiser de sa mère, et par un homme dévoré de jalousie. Je continue car le début de cette Recherche est fabuleux, et il me semble qu’elle n’est rien d’autre que la quête de soi :
« …je cherche encore mon chemin, je tourne une rue… mais… c’est dans mon coeur… »
Editions Folio, 1972
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