Ce roman magnifique m’a ramenée loin en arrière, au temps de notre maison de famille à la campagne, quand ma mamie ouvrait les armoires pleines de cette odeur rance et boisée pour en sortir le linge humide d’avoir trop attendu dans le noir. J’ai retrouvé le bois qu’on oblige, la serrure qui souffre, l’araignée dans la baignoire qu’on croyait morte et qui s’affole sous le jet d’eau, les cendres froides, les grosses fleurs qui se décollent du mur de ma chambre, la pendule arrêtée pour toujours…
Ce livre m’a rappelée tout cela, mais aussi des échos de ma propre adolescence, à l’âge où le corps, cette « maison » en construction, devient un ennemi tant il est indéchiffrable, indomptable et imprévisible. Ce roman est d’une richesse incroyable et il y a tant de choses à en dire, et je raconte ma vie alors qu’il s’agit bien de l’histoire de Gabrielle.
Au cœur de la campagne, une ferme, une famille, des femmes fortes et dociles, une petite fille : Gabrielle. Enfant miraculée, elle naît prématurément puis s’épanouit comme une brindille, solitaire et résistante. Elle grandit protégée par sa mère et choyée par sa mémé María, avec qui l’amour est puissant et très fusionnel. Gabrielle devient une jeune fille tenace, orgueilleuse et douée en tout : à l’école et en gymnastique rythmique, elle fait des jalouses. Pourtant, quelque chose la dévore, un secret beaucoup trop lourd pour son corps gracile. Peu à peu ce qu’elle s’efforce de taire, son corps l’exprime par touches, de façon très énigmatique, pour nous conduire à une révélation finale bouleversante.
Ce livre est une mine d’or parce qu’il porte une infinité d’énigmes et de symboles, qui ne trouvent leur réponse que dans les dernières pages : depuis la voix du narrateur, jusqu’à la statuette de la Vierge qui s’anime, en passant par ces fleurs étranges gravées dans les paumes de Gabrielle, tout est beauté et mystère.
Les maisons vides m’ont fait penser à un conte moderne et champêtre dans la lignée des Contes de Maupassant, qui rend hommage au corps – sa splendeur, sa rébellion, ses métamorphoses et ses trahisons -, aux femmes – énergiques mais contraintes – , et à nos grands-mères perdues et adorées.
Editions de l’Olivier, janvier 2022.
Prix Régine Desforges. Prix du roman Marie-Claire 2022.
4 Commentaires
Soumettre un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
Et en plus elle s’appelle Thizy !
Beau commentaire, riche en émotion…
Merci beaucoup ! Oui, peut-être une descendante éloignée de « notre » Madame Thizy.
En plus de celui de l’écriture, tu as également le don du dessin. Bravo
Merci <3