Entre ces pages coule une rivière, de l’eau verte chargée d’écume ; on entend aussi des éclats de colère et de rire inquiets ; on respire un vent de prairie, des effluves de foin et de sycomore, de charogne et de sueur. De temps en temps, on caresse un rêve ou le pelage d’une bête… et du bout des doigts, une chevelure de femme : ce qu’il faut de douceur et d’espoir pour avancer.
C’est l’histoire d’une amitié étrange entre deux hommes fabuleux, monstrueux et magnifiques : George est petit et furieux mais vif et déterminé ; Lennie est un grand bébé aussi doux et fauve qu’un ours, à la fois bête de somme, brute incontrôlable et gros cœur en mousse. Chez lui, le cœur parle avant la raison.
Les deux amis vagabondent de ferme en ferme, dans une Amérique dévastée par la Grande Dépression, pour survivre à la misère et amasser quelques pièces d’or. Ils ont un rêve : acheter un lopin de terre à cultiver, avec une petite ferme et un élevage de lapins. Hélas, trois fois hélas, une sorte de fatalité leur colle au train.
Ce livre est tout, c’est mon choc littéraire du mois, de l’année, de ma vie ! Tant il est puissant. En l’ouvrant je ne connaissais rien, je n’avais ni lu ni vu aucune adaptation… Je l’ai terminé en pleurant et je n’oublierai jamais Lennie.
En peu de mots, John Steinbeck bâtit un monde très sensoriel, animal, brut et mortifère, plein de férocité et de solitude, où les Noirs sont isolés, les femmes rejetées… et où les déficients intellectuels sont craints et condamnés. Les symboles sont forts et nombreux, comme cette rivière d’un vert douteux qui circule entre les collines, qui ouvre et clôt le roman pour former un piège. Aucune souffrance n’est nommée, tout est suggéré. Chacun porte en lui une blessure béante trahie par les corps : pas traînant, dos cassé, mains mutilées ou meurtrières, mots crachés et impolis, regards fuyants, implorants ou prédateurs. Mais chacun porte en lui un rêve pour ne pas mourir.
Je recommande aussi le livre audio (« écoutez lire » aux éditions Gallimard) où les voix mêlées aux échos de la nature et à l’harmonica forment une œuvre magistrale.
Livre papier : Editions Le Livre de Poche, Gallimard, 1949. Traduction : Maurice-Edgar Coindreau. Préface de Joseph Kessel.
Livre audio : « écoutez lire », Gallimard, 2015. Lu par : Lorant Deutsch, Bernard-Pierre Donnadieu, Jacques Gamblin, Jean-Yves Berteloot, Nathalie Bienaimé et Loïc Houdré. Durée : 3 h et 15 min.
2 Commentaires
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J’ai eu envie de découvrir ce livre grâce à ta chronique et j’ai adoré. Merci pour tes conseils de lecture. Continue ainsi et bravo pour ton site et ton compte Insta.😊
Merci beaucoup pour ce commentaire qui me fait très plaisir <3