C’est une petite maison triste à flanc de falaise, qui surplombe l’océan et subit les tempêtes comme on se recroqueville sous les coups. Devant la cheminée, un mari paralysé geint de douleur, qu’une jeune fille joufflue tente d’apaiser de soins maternels, pendant qu’à l’étage, une épouse malicieuse ouvre d’un doigt crochu un tiroir rempli d’or. Le vent siffle si fort qu’on n’entend pas les casseroles rudoyées par la bonne en colère, au fond de la cuisine, ni les cris d’épouvante qu’un jeune homme étouffe dans sa chambre, penché sur ses livres. Et dans cette sinistre intimité, on confond le gros chien Mathieu avec le tapis et la chatte Minouche avec le coussin du fauteuil, tous deux nécessaires à l’ennui.
La Joie de vivre, qui est le 12ème tome des Rougon-Macquart, est une histoire violente et ténébreuse, garantie 100% Zola ! Je trouve dommage que ce volet passe inaperçu, car c’est peut-être le roman le plus « naturaliste » de l’Œuvre, au sens que la Nature y joue un rôle fondamental : la mer indomptable et somptueuse de cette Normandie reculée participe au naufrage de la famille Chanteau. Tout comme la mer qui menace peu à peu de les engloutir, la mort s’installe progressivement dans leur logis, s’infiltre dans les murs, les esprits et les corps – diffuse et sournoise. Cette sombre histoire est heureusement traversée d’une belle lumière grâce à Pauline qui irradie, avance les mains et le cœur offerts, tandis qu’on la dépouille de ses biens et qu’elle s’enrichit du bonheur des autres. C’est elle qui se bat pour la joie, et malgré tout ce qu’elle endure, elle brille et triomphe paisiblement.
J’ai vu ce roman comme une grande leçon de vie et d’humanité. Je pensais au début à un titre ironique, mais finalement je dirais qu’il s’agit d’un magnifique hommage à la joie de vivre et à la bonté.
Préface de Jean Borie.
Editions Folio, collection Folio Classique, juin 2008.
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