C’est l’histoire d’un amour impossible entre un jeune matelot et une jeune fille de la bourgeoisie, un peu comme un « ver de terre amoureux d’une étoile ». Martin Eden a grandi dans la pauvreté, sans instruction ; Ruth mène une vie aisée et suit de grandes études. Ébloui par sa grâce et son rang, Martin se lance dans un apprentissage forcené : il veut à tout prix éduquer son langage, acquérir la science nécessaire et tous les codes de la bourgeoisie, afin d’être « à sa hauteur » et l’épouser. A mesure qu’il s’instruit, lui vient une évidence : écrire. Il sera un écrivain reconnu et suffisamment fortuné pour offrir à Ruth une vie confortable et digne de son rang. Pendant des années, il écrit, le ventre vide et le dos rompu ; il écrit sans discontinuer, envoie ses textes aux rédactions de tous les journaux : poèmes, nouvelles, articles engagés… qui sont refusés un à un. Personne ne croit en lui, on le décourage, on l’humilie, on lui tourne le dos, mais il reste fidèle à lui-même, à ses convictions et à sa vérité : l’écriture.
Le reste est à découvrir, l’intégralité est à lire, à analyser et surtout à apprécier : le style est puissant, la réflexion qu’il engage est déstabilisante. J’ai été fascinée par Martin et cela va sans dire : son éveil à la sensualité, son hypersensibilité au monde, son énergie créatrice, ses moments d’introspection et sa dignité à toute épreuve ; tout chez lui force l’admiration, et l’écriture est telle qu’on épouse ses idéaux et sa foi en l’être humain, mais aussi sa souffrance existentielle.
Car ce livre dénonce l’illusion du succès et pointe du doigt notre médiocrité humaine, éternellement gouvernée par l’image et la cupidité. La question que je me suis posée en renfermant le livre me poursuit encore : si je gagnais au loto, combien d’amis se rappelleraient à mon bon souvenir ? 😉
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Francis Kerline.
Editions Libretto, novembre 2010.
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