La première fois que j’ai découvert la Shoah, je devais avoir 7 ans, c’était avec le film « Au revoir les enfants » de Louis Malle. J’étais sortie du cinéma en pleurant et je ne comprenais pas pourquoi Jean Bonnet / Kippelstein s’en allait tête baissée par une petite porte, brutalisé comme un criminel par les Allemands, lui qui jouait si bien du piano et semblait si doux.

Ce film me fait toujours pleurer aujourd’hui, et en refermant La carte postale d’Anne Berest, j’ai ressenti le même désespoir qu’il y a des années en sortant du cinéma, en plus violent.

Je n’oublierai jamais le petit Jacques et sa sœur Noémie, ces deux visages tendres qui n’auront pas pu vieillir paisiblement au coin d’un feu, alors qu’ils avaient tant à offrir et à recevoir en ce monde. Je n’oublierai pas non plus leur grande famille, les Rabinovitch : une famille heureuse de gens aimants, spirituels, ingénieux et passionnés, qui à peine établis quelque part étaient menacés, qui avaient foi en l’humanité́ alors même que l’humanité́ travaillait à leur avilissement et à leur destruction.

Ce livre est grandiose parce qu’il a une portée à la fois intime et universelle. En racontant ce voyage au cœur de la mémoire familiale, l’auteure brise le silence qui emprisonnait sa grand-mère Myriam, survivante inconsolable. Elle libère les secrets, enfonce les portes, et c’est comme si la sève circulait de nouveau dans l’arbre des Rabinovitch. Son écriture offre à tous ses ancêtres une sépulture et une signature éternelles, en même temps qu’elle lui permet à elle de se saisir de sa propre identité juive.

Ce livre est aussi un magnifique hommage à tous les déportés, à tous les enfants disparus dans les camps, et un superbe exemple de biographie familiale : il souligne la richesse de la transmission des mémoires, de génération en génération. A ce titre, la fille d’Anne Berest, et tous les enfants, petits et arrière qui suivront, détiennent là un pur trésor. Merci Anne Berest pour ce chef-d’œuvre.

Editions Grasset, août 2021.

Prix Renaudot des lycéens 2021.

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