La voix de chacun est unique, au même titre que l’empreinte digitale, mais elle est comme le vent : insaisissable, mouvante, invisible.
Dans ce recueil de nouvelles, Maylis de Kerangal parvient à lui donner un poids et une densité, à en dessiner les traces infimes ou profondes, grâce à une écriture organique, tangible.
C’est tellement subtile que j’ai lu ce recueil deux fois : la première en me laissant porter par ces huit histoires courtes, des voix de femmes à des instants de vie un peu cafouilleux, et la deuxième pour explorer la richesse de son travail et de son écriture.
Pour chaque nouvelle, les voix se confondent avec l’eau, débit saccadé, silence gelé ou torrent de boue, et elles s’accompagnent toujours de matière : la terre, les os, les métaux et la pierre. Il y a comme une volonté de graver la voix, de lui donner une permanence sans lui ôter sa fragilité. Le titre Canoës traverse chaque texte en laissant un sillage, comme un écho.
C’est très difficile de parler de ce recueil, je peux simplement dire que j’admire l’écriture et la connaissance de Maylis de Kerangal. À mes yeux, elle est à la fois ingénieur du son et ingénieur tout court, paléontologue, chirurgien-dentiste, physicienne, minéralogiste, un peu sorcière… Tout son talent est de donner à la science une dimension poétique et proprement émotionnelle.
Je vous recommande particulière de lire « Un oiseau léger », qui m’a émue aux larmes.
« Je l’ai dans l’oreille, cette voix, elle ne m’a jamais quittée, elle ne s’est pas effacée et je n’ai pas peur de la perdre : c’est la sienne. »
Editions Verticales, 2021
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